Au bord d'une rivière, nous l'avons tous croisé un jour. Je ne parle pas ici de la vedette locale qui brille par ses talents de beau parleur... et beaucoup moins par son adresse une canne à pêche en main. Et je ne voudrais pas non plus tomber dans la caricature facile pour évoquer l'un de ces personnages peu communs. Je veux parler ici de l'homme du pays, mais pas n'importe lequel: ce pêcheur à part, celui qui se démarque de tous les autres. Forcément, il vit auprès de "sa" rivière qu'il connaît parfaitement. Et au fil du temps et de l'eau il a acquis une connaissance parfaite des postes, sait par coeur la tenue des poissons selon les conditions locales du moment: saison, météo, hauteur et état de l'eau... ; il est doté de ce sens inné de l'eau, ce don, qui lui permet de réussir alors que tous les autres pêcheurs échouent, y compris les "bons". J'avoue être assez fasciné par l'homme du pays, tant ce personnage est singulier, surprenant, parfois mystérieux, et qui paraît comme possédé par ce pouvoir mystique à comprendre ce qui se passe sous l'onde, de pressentir la présence du poisson qui va attaquer le leurre ; faculté qui échappe au commun des mortels...
Avoir la chance d'échanger quelques mots avec l'homme du pays, de lui "soutirer" quelques tuyaux, est riche d'enseignements pour "l'étranger" arrivant sur des eaux inconnues et qui espère quelques succès rapides...
Une évidence: tout pêcheur arrivant sur une nouvelle rivière doit commencer par porter son intérêt et sa curiosité sur la technique locale. Car cette dernière, même rustique, a été mise au point avant tout pour être diablement efficace. Transmise de générations en générations, elle est le fruit de l'expérience de pêcheurs qui ont partagé leurs observations, ont tiré les conclusions de leurs échecs et de leurs succès, pour en arriver à élaborer la technique la mieux adaptée sur leur rivière. Celle-ci ne s'embarrasse pas du superflu et du tape-à-l'oeil. Ainsi, même un leurre réduit à sa plus simple expression ou une mouche dépouillée à l’extrême pourra être prenante. Ce qui n'exclut pas, bien au contraire, que des modifications minimes apportées à un leurre - grâce à l'ingéniosité et l'esprit inventif de quelques pêcheurs d'exception - décupleront son efficacité sur telle rivière ou tel petit fleuve côtier. Un petit détail constitue souvent le petit plus qui fait toute la différence.
Et enfin, l'homme du pays révèle une chose fondamentale à mes yeux, et qu'on a tendance à oublier trop souvent: la pêche des salmonidés en eaux vives c'est tout d'abord une bonne dose d'observation. Ensuite c'est la manière d'aborder idéalement un poste pour présenter son leurre parfaitement: profondeur de nage, vitesse, façon d'arriver dans le champ de vision du poisson pour le stimuler. Ces paramètres représentent l'essentiel de la réussite. Le reste, c'est surtout de la masturbation mentale. Posséder une boîte joliment garnie de leurres de toutes les tailles, de toutes les formes et de toutes les couleurs, c'est bien joli, mais à qui fait-on plaisir: au pêcheur ou au poisson? A vouloir rajouter trop de sophistications nous en oublions l'essentiel.
28/01/2008