Présentation de la truite de rivière
Salmonidés-Migrateurs
En France, on distingue deux grands groupes géographiques: le groupe méditerranéen et le groupe atlantique. La morphologie de truites appartenant à l'un ou l'autre de ces deux groupes est assez bien distincte, les risques d'erreurs pour les différencier sont donc en théorie assez limités...
Quoique! Car comme cité dans le chapitre précédent, la capacité d'adaptation de la truite a entraîné un fort degré de polymorphisme de l'espèce, d'où une grande diversité de truites dans les formes et les couleurs! Il existe ainsi de nombreuses spécificités régionales, voire par bassin versant ou par rivière. L'aspect de certaines souches méditerranéenne peuvent même se rapprocher de certaines souches atlantiques...
Il est impossible de décrire ici toutes les souches locales. Nous citerons:
Pour le groupe méditerranéen continental
Il s'agit d'un groupe asse homogène dont la robe est ponctuée de points noirs dépourvus d'auréoles ; ces truites au corps fuselé, à la tête allongée et aux nageoires développées occupent les rivières qui gonflent la Méditerranée. L'exemple le plus frappant est donné par les truites zébrées peuplant le Doubs ou la Loue.
Pour le groupe atlantique
Il s'agit des truites peuplant les rivières des bassins hydrographiques tributaires de l'Atlantique. Ces poissons correspondent assez bien à l'image que se font généralement les pêcheurs de la truite fario, car leur robe est souvent parsemée de points auréolés rouges et noirs.
Il y a eu beaucoup de mélanges dans ce groupe, aussi, il est difficile de dire si une truite est une indigène, une hybride ou issue d'élevage...
La souche normande et bretonne est la plus ressemblante avec les souches d'élevage, donc il est bien hasardeux de discerner les poissons autochtones de leurs congénères domestiques!
Parmi les souches les plus remarquables du groupe atlantique, on peut citer la souche du bassin de l'Allier (points noirs uniquement), la souche du bassin de la Dordogne (peu de points noirs et robe de couleur bronze), la souche des gaves pyrénéens caractérisée par une pigmentation sur tout le corps (points noirs) etc.
La truite de rivière - Répartition
L'aire de répartition originelle de la truite fario est essentiellement l'Europe avec une limite septentrionale allant grosso modo de l'Islande à l'URSS, et la limite méridionale se situe au niveau des montagnes du moyen Atlas.
Du fait de son engouement pour la pêche sportive, de sa grande faculté d'adaptation, la truite fario a été introduite un peu partout dans le monde, avec succès (même si on note de ça de là quelques échecs). Ainsi en Nouvelle Zélande ou en Patagonie il s'agit de truite importées et qui se sont fort bien implantées! La truite fario a même supplanté parfois des espèces locales (comme le saumon de fontaine en Amérique du Nord sur certaines rivières).
En France, on trouve des truites fario presque partout. Les régions les plus pourvues sont la Franche-Comté, le Massif Central, les Alpes, les Pyrénées, la Bretagne...
Comportement et tenues de la truite fario
L'habitat et les tenues de la truite fario varient en fonction de son cycle de développement (juvéniles, truites adultes) et de son activité à un moment donné (reproduction, phase de repos ou d'alimentation).
Commençons à nous intéresser au comportement propre à la truite fario et notamment la notion d'agressivité qui est très marquée chez cette espèce. Ce comportement territorial commence dès l'émergence, alors que les alevins se postent dans les interstices du substrat et commencent à capturer des larves à la dérive. Ces premiers comportements alimentaires sont liés à des comportements agressifs pour obtenir les meilleurs postes de chasses. Ainsi s'instaure une compétition entre les alevins.
Plus tard, la hiérarchie qui s'était instaurée au stade juvénile sera maintenue et les individus dominants prendront possession des meilleurs postes. Ceux-ci sont caractérisés par une bonne hauteur d'eau, un abri proche de la zone de chasse, un courant plutôt lent. L'ombrage est aussi très apprécié des sujets adultes.
Ainsi, et compte tenu de ces éléments, le pêcheur de truites se focalise donc sur les postes de chasse de la truite fario (ce qui n'est pas le cas du saumon et de la truite de mer, ces espèces n'ayant pas d'obligations alimentaires).
La lecture de l'eau et des postes de chasses est assez aisée en ruisseaux et petites rivières, car les postes y sont bien marqués, mais les choses peuvent se compliquer sérieusement en grandes rivières.
Rappelons maintenant que l'activité des truites dépend étroitement des conditions du milieu où elles se trouvent.
Le paramètre le plus important à considérer est la température de l'eau, car celle-ci est inversement proportionnelle au taux d'oxygène dissous et que la truite fario est très exigeante vis à vis de ce facteur.
La truite étant un animal à sang froid, son métabolisme va donc dépendre directement de la température de son corps, donc de la température de l'eau où elle évolue. Pour la truite, la température idéale se situe à 12°C environ ; plus on s'éloignera de la fourchette 11-13°C plus son activité se réduira.
La truite fario est menacée à deux niveaux:
La truite de rivière - Menaces
Abondance
La truite autochtone est menacée car son habitat est dégradé. Il s'agit principalement de son biotope de reproduction ou l'accès à celui-ci. En effet les aménagements sur les rivières salmonicoles (barrages, centrale hydro-électriques, buses mal aménagées...) ne permettent pas aux géniteurs d'accéder au zones de reproduction.
Ensuite les secteurs amont de ces rivières qui constituent le chevelu et donc le berceau de la vie, sont souvent détériorés (recalibrage, manque d'abris) ou les frayères colmatées par des problèmes d'érosion (remembrement etc.).
La variabilité génétique
On l'a dit, l'alevinage massif des dernières décennies en juvéniles d'élevage de forme atlantique moderne a introduit des gènes domestiques dans les populations naturelles. Cette introgression est particulièrement condamnable dans le cas où les populations méditerranéennes sont altérées par des gènes atlantiques. Nos populations de truites autochtones sont remarquables par leur diversité et représentent un patrimoine inestimable, qu'il faut sauvegarder à tout prix.
Les pêches de la truite fario
Le but de cet article n'est évidemment pas de détailler toutes les techniques de pêche de la truite fario ; celles-ci seront traitées dans des articles spécifiques.
Faisons plutôt un petit tour d'horizon des nombreuses techniques de pêche pour capturer la truite fario, espèce admirée et tant convoitée.
Déjà, il est toujours enrichissant de tirer les enseignements des techniques de pêche pratiquées localement – même si certaines peuvent paraître rustiques aux yeux de certains puristes! – car elles ont fait leurs preuves et sont diablement efficaces.
Ceci dit, le matériel ainsi que la technique ont évolués, non pas pour le plaisir mais parce que nos truites aussi ont évoluées: face à une pression de pêche en augmentation, les truites se sont éduquées et sont devenues plus difficiles à tromper qu'auparavant.
Les truites apprennent rapidement à détecter un danger éventuel, surtout quand on avance dans la saison. Ainsi les plus grosses truites sont devenues extrêmement méfiantes et certaines ont mêmes adoptées des comportements alimentaires essentiellement nocturnes.
Aussi il faut prendre un peu de recul face à ceux qui gémissent "qu'il n'y a plus de truites dans la rivière et que ce n'est plus comme autrefois" car souvent ceux-là mêmes ne se sont jamais remis en question. Ainsi une pêche électrique sur des parcours surpêchées révèlent parfois la présence de gros poissons que personne ne soupçonnait!
Pêche de la truite fario aux appâts naturels
Nommée autrefois pêche au toc, cette technique a su évoluée et elle est aujourd'hui qualifiée de pêche à la dérive. P. Sempé - peut-être un peu trop médiatisé - a su redonner les lettres de noblesse à cette technique souvent décriée. Mais la pêche à la dérive - technique fine et subtile: canne anglaise, finesse du fil, plombée étalée…- ne trouve véritablement ses marques qu'en moyennes et grandes rivières.
Mes petits ruisseaux cachés de l'Argoat ne correspondent visiblement pas à ces critères, et pourtant débusquer les truites calées dans les sous-berges d'un rû encombré n'est pas une mince affaire! Cette pêche s'apparente un peu à une chasse, où il faut parfois glisser son appât dans un trou de souris en espérant qu'il soit happé avec rapidité par une truite ; attention car celle-ci saura le recracher aussitôt si elle ressent la moindre tension du fil. Malignes, et de quoi nous rendre très nerveux! Mais cette pêche ne doit pas être assez académique pour intéresser les magazines qui préfèrent nous ressortir inlassablement toujours les mêmes articles!
Pêche de la truite fario aux leurres: cuiller et poisson nageur
Quand la cuiller fut inventée dans les années 50, il y eu des hécatombes de truites tant elles succombaient facilement à ce leurre inconnu pour elles! Heureusement, elles ont su s'adapter et reconnaître ce gros papillon vrombissant. Il semble qu'aujourd'hui cette technique connaisse moins d'adeptes, pourtant elle reste diablement efficace surtout quand les eaux se ont réchauffées et que la truite s'active. La pêche au lancer léger ou à l'ultra-léger sont des techniques très ludiques et permettent en plus de prospecter rapidement des secteurs de rivières en "ratissant" de nombreux postes.
Le poisson nageur (appelé souvent Rapala! ce qui laisse imaginer le succès de la marque) est diablement efficace et cible surtout les grosses truites. On pêche creux et lentement en début de saison (plutôt downstream) avec des PN plongeants, puis la saison avançant on choisira des modèles suspending ou flottants, ces derniers permettant d'explorer les frondaisons sont bien adaptés pour des faibles hauteurs d'eau. La pêche de la truite au poisson nageur fera l'objet d'un article particulier
A noter que je commence à remarquer (au même titre que la pêche au vairon manié, voir ci-après) l'interdiction du poisson nageur sur certains parcours (alors que la cuiller est autorisée), car cette technique serait trop meurtrière sur les grosses truites…
Pêche de la truite fario au vairon manié
Pêcheur itinérant et bourlingueur, habitant loin des rivières à truites, je ne pratique pas le vairon manié (par souci pratique de trouver des vairons frais), technique diablement efficace et pas seulement en début de saison!
Comme pour le poisson nageur, la pêche au vairon manié a plutôt tendance à sélectionner les grosses fario. De plus il y a un grand choix des montures qui permettent de pêcher toutes les configurations de cours d'eau.
Cette technique commence ici et là à être décriée (comme sur le gave d'Oloron) notamment car elle n'épargnerait guère les géniteurs en début de saison.
Je trouve cela un peu facile de viser une certaine catégorie de pêcheurs, une technique par rapport à une autre. C'est l'esprit du pêcheur qui compte, et non le mode de pêche.
Comme souvent, on condamne une majorité de pêcheurs à cause d'une minorité d'irresponsables qui ne veulent pas se limiter dans leurs prélèvements.
Pêche de la truite fario à la mouche
La pêche à la mouche s'est démocratisé ces dernières années et ne s'adresse plus à une élite. Dommage quand même qu'une certaine catégorie de "palmistes" hautains et sectaires regarde les autres pêcheurs avec dédain. C'est dit!
La pêche à la mouche est une "belle pêche", ne serait-ce que par la beauté du geste. Grâce au succès du film "Et au milieu coule la rivière" elle a été portée à la connaissance du grand public. Qui ne se souvient pas de ces splendides arabesques développées par Brad Pitt dans les gorges des rivières du Montana?
Etre moucheur c'est posséder un sens aigu de l'observation et des bases d'entomologie. On constate ainsi que les variétés d'insectes se raréfient à cause de la pollution des cours d'eau (pesticides…) et l'envasement des fonds notamment. Les sedges remplacent de plus en plus les araignées dans les boîtes à mouche…
Si la presse halieutique aime s'emparer de la pêche à la nymphe à vue pratiquée par quelques maîtres (comme Piam) dans les eaux basses et cristallines des rivières franc-comtoises (sur des parcours privées…), reconnaissons que celle-ci - parmi les techniques de pêche à la mouche - n'est pas la plus représentative de la pêche au fouet (pour la nymphe, "la nymphe au fil" est certainement la plus employée dans nos rivières dont la clarté des eaux ne permet pas de pratiquer à la nymphe à vue!
Il serait plus juste de penser en premier lieu à la pêche en mouche sèche et le plaisir de faire monter une belle mouchetée sur son petit hameçon habillé de plumes et de poils. Et du coup on fait aussi monter son adrénaline!
Saison de pêche et périodes favorables pour la pêche de la truite fario
Les données du problème sont différents avec dame fario qu'avec les salmonidés migrateurs que sont la truite de mer et le saumon (à qui nous allons nous intéresser dans les autres rubriques) qui eux ne se s'alimentent plus en eau douce.
La logique du pêcheur de truite est donc différente, puisqu'il va rechercher la belle mouchetée sur ses postes de chasse, voir dans son refuge en la provoquant avec un leurre et en jouant ainsi sur son comportement territorial qui ne tolère aucun intrus dans son repère.
Nous l'avons déjà dit auparavant, un facteur déterminant sur l'activité de la truite fario est la température de l'eau. Ainsi en début de saison dans des eaux froides nous trouverons des poissons peu mobiles voire léthargiques (cavées au fond de leur repères). Ils économisent leur forces et ne se déplacent pour se saisir d'une proie que si celle-ci est suffisamment conséquente (bilan positif entre l'énergie dépensée et l'énergie rapportée).
Le pêcheur en tirera les conséquences sur les techniques à adopter (esches de tailles conséquentes s'il pratique aux appâts naturels, pêcher lent et creux aux leurres...) et en recherchant les truites dans les secteurs calmes.
Bien entendu, au mois de Mars, l'état des eaux peut être très différent si on pratique sur une rivière de plaine ou un torrent montagnard (sur ce dernier, plus tard, la fonte des neiges interdira pratiquement la pêche).
Dans le même ordre idée, la période estivale compliquera bien les choses sur ces rivières de plaine, alors qu'on pourra trouver dans les torrents d'altitude des conditions optimums.
D'une façon générale, les mois de mai et juin représentent souvent la meilleure période pour taquiner (à toutes les techniques!) la truite qui est au sommet de sa forme: la température de l'eau est idéale, la nature explose et grouille d'insectes de toute sortes, la truite sait profiter de cette manne.
En septembre, l'approche du frai, les journées moins longues et des températures moins caniculaires pourront réveiller les truites les quelques semaines qui précédent la fermeture.
Un autre facteur important sont les conditions locales. Elles me semblent plus importantes à prendre en considération que la phase lunaire (en principe éviter la pleine lune et préférer la lune noire) et la pression atmosphérique (après une perturbation, une pression qui remonte lentement est en principe favorable).
Ainsi, par exemple, après une crue ou un débit qui a augmenté après une plus ou moins longue période (des hauts niveaux d'eau depuis des semaines ne changent pas grand-chose à la donne) il faut privilégier le moment où les eaux s'éclaircissent tout en étant mâchées: très favorables en pratiquant au ver (d'où - par exemple - la nécessité de limiter à 2 ou 3 le nombre de captures par jour et par pêcheur, tant la truite fario peut être vulnérable durant ces moments de "frénésie").
Un temps couvert, voire orageux, est toujours préférable à un ciel clair.
Enfin, ne pas oublier que les courtes phases d'activité alimentaires alternent avec des périodes de repos (dans des circonstances "normales"). Quel pêcheur n'a pas constaté qu'au cours d'une partie de pêche de 3 ou 4 heures, les touches pouvait se succéder pendant une demi-heure puis s'arrêter subitement?